Qu'est-ce que les Cahiers Bouddhiques ?
Les cahiers bouddhiques ont pour vocation de diffuser les travaux des enseignants,membres et collaborateurs de l'Institut d'Etudes Bouddhiques. Les articles publiés ne sont pas des transcripts des cours donnés à l'IEB mais des textes rédigés spécialement pour cette publication. Les cahiers bouddhiques s'adressent aussi bien aux étudiants de l'IEB qu'à toute personne s'intéressant aux études bouddhiques.
Présentation des articles contenus dans les cahiers bouddhiques numéro 4
Le Cankî-sutta
Michel-Henri Dufour
En écho au célèbre « Discours aux Kâlâma » ce sutta met en exergue le tout premier pas du noble Sentier, les vues correctes (sammâ ditthi), conceptions non erronées, en conformité avec le Réel (Dhamma), qui permettent de discrimer entre les pratiques, celles qui conduisent à la réalisation et les autres. À travers un entretien avec un jeune brahmane, dont la compréhension est limitée par les idées et théories du groupe socio-culturel auquel il appartient, le Bouddha définit trois niveaux dans le cheminement vers la Vérité et clarifie (à des fins pratiques et non spéculatives) des questions telles que : la foi (la confiance), la tradition, la vérité et la manière appropriée de l'expérimenter, l'effort, et exhorte à la vérification personnelle et non aux croyances a priori.
Le Bardo-Thödol : un texte trésor au singulier destin
Philippe Cornu
Sous le titre trompeur de « Livre des morts tibétain », le Bar do thos grol est sans aucun doute l'oeuvre tibétaine la plus célèbre au monde et celle qui a suscité le plus de commentaires et de réactions passionnées. Pourtant, cet ouvrage fameux nous échappe encore de bien des manières et ses interprétations occidentales n'ont la plupart du temps pas grand-chose à voir avec ce qu'en dit la tradition tibétaine, nyingmapa en particulier. Tirée hors de son véritable contexte, privée des nécessaires comparaisons avec des textes de contenu semblable, jamais traduite dans sa totalité, cette oeuvre liturgique largement diffusée était condamnée à demeurer opaque, « ésotérique », et ne pouvait être sujette qu'à des interprétations trompeuses ou déformantes. Mais en dehors même de ces problèmes d'interprétations générales occidentales, le cycle du Bar do thos grol chen mo ou « Grande Libération des états intermédiaires par l'audition » pose un certain nombre d'énigmes et révèle plusieurs difficultés au sein même de la tradition tibétaine qui l'a vu naître. Le présent article se propose de faire le point sur l'histoire mouvementée du « Livre des morts tibétains » et sur la véritable nature de cette oeuvre qui demeure pour le moins singulière.
Bouddhisme et thérapeutique
Françoise Bonardel
C'est en tant que « thérapeute » de la souffrance (duhkha) que le Bouddha prononça ses premiers sermons témoignant d'une décision irrévocable quant à l'éradication de ce mal-être originel, et de la logique propre à tout art médical : diagnostiquer, soigner, guérir. Comment distinguer ce message de celui des philosophes grecs se disant eux aussi « thérapeutes » ? Est-il religion qui n'ait de son côté envisagé la pratique spirituelle comme une voie de guérison ? Tiraillé entre son aspiration au bien-être et un idéal de sainteté hérité du christianisme, l'Occident contemporain a donc beaucoup à apprendre de la « santé fondamentale » bouddhique.
Le "bouddhisme populaire"
Examen critique, cartographie de sens, enjeux intellectuels et religieux
Lionel Obadia
La notion de « bouddhisme populaire », d'usage assez courant dans les études spécialisées, admet bien plus de sens que l'apparente simplicité de son étymologie ne le laisse présager. Qu'elle soit définie explicitement ou pas (ce qui est le plus souvent le cas), cette expression se fonde nécessairement sur une opposition sémantique avec d'autres « formes » du bouddhisme : « savant », « orthodoxe », « monastique », mais aussi « pur », « authentique » entre autres adjectifs récurrents qui renvoient à des distinctions sociologiques, culturelles, historiques ou idéologiques. La valeur heuristique du « bouddhisme populaire » ne réside pas seulement dans ses potentialités descriptives ou typologiques. Elle révèle, en creux, des conceptions particulières du bouddhisme, qui filtrent la perception des réalités (historiques et empiriques) de la vie religieuse dans le bouddhisme. Car, trop nombreux sont ceux à l'ignorer, l'opposition ici traitée a été initialement formulée par les (élites) bouddhistes (asiatiques), avant d'être appropriée par les Occidentaux qui estiment souvent en détenir la paternité.